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“Neutralino”, une exposition d’Eric baudart


  • Galerie Valentin 9 Rue Saint-Gilles 75003 Paris France (carte)

En supersymétrie, le neutralino est une particule hypothétique véritablement neutre («Truly neutral particle») que nul n’a encore détectée ni observée. L’exposition d’Éric Baudart NEUTRALINO n’atteint pas au vertigineux détachement de la particule à laquelle elle doit son titre; en revanche, la neutralité qu’elle déploie est bel et bien détectable et observable. L’artiste, en éliminant détails superflus, trop voyants ou ostentatoires, arrache ses objets trouvés au statut de marchandises abîmées, souillées ou imprégnées de désir qu’elles avaient auparavant pour les transformer en abstractions d’une parfaite impartialité.

Prenons Révolution III (2019) : présentoir de métal en rotation logé dans une capsule en verre transparent, cette œuvre invite aussi bien à la détection qu’à l’observation. Une couche de peinture blanche a neutralisé les défauts et imperfections de sa base, tandis que la rotation douce et lente des quatre grilles métalliques du présentoir crée des effets moirés apaisants et hypnotiques qui semblent ralentir le passage du temps. Brouillant les frontières entre objet réel et reproduction idéalisée, l’œuvre interroge les partages apparemment immuables entre le réel, l’idéal et l’irréel. De la même façon, dumbBell (2019) soumet des objets trouvés à de profondes transformations. Constituée d’une barre de métal à chaque extrémité de laquelle est fixé un baril de lessive rempli de béton, elle neutralise l’idée de dur labeur associée à la pratique des haltères en transposant en force physique surhumaine les propriétés nettoyantes surnaturelles que les marques de lessive prêtent à leurs produits. Ici, la neutralité – prise au sens d’une élimination de l’imperfection – est détournée par le consumérisme et peut ainsi devenir un idéal aussi désirable qu’inatteignable.

Tandis que les deux œuvres précédentes mettaient en jeu une vision idéaliste de la neutralité, tableau n° 7 (2019), bâche argentée montée sur châssis et accrochée au mur, renvoie à l’indifférence absolue d’une table rase, à un degré zero de la peinture qui reflète les couleurs et les formes qui se trouvent dans son voisinage immédiat, agissant comme une surface de projection neutre pour les pensées et les désirs des regardeurs. Mais alors que la surface de projection réfléchissante qui constitue tableau n°9 se présente comme ouverture et variabilité infinie, les couleurs vives qui habitaient la surface, toute aussi vierge, de ‘conCav’ UltraWhite (2019), ont été neutralisées sous une couche de peinture blanche, suggérant la fermeture. À mi-chemin de la peinture et de la sculpture, cette dernière consiste en un empilement d’affiches. Leurs bords d’un blanc cendré sont recourbés en des savantes superpositions, qui, comme un cadre spectral, mettent en valeur la zone opaque et hermétique au centre de l’oeuvre. Muet et immuable, ‘conCav’ UltraWhite semble offrir un fugitif aperçu du neutre véritable.

Rahma Khazam, Paris, mars 2019

Traduit de l'anglais par Nicolas Vieillescazes

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