Retour à tous les événements

« Texte/Image », une exposition de Veit Stratmann


  • Galerie Valentin 9 Rue Saint-Gilles 75003 Paris France (carte)

Texte/Image
une exposition de Veit Stratmann

Du 28 octobre au 25 novembre 2023
Vernissage le 28 octobre de 14h à 21h.

Sous le titre lapidaire de « texte/image », Veit Stratmann présente à la Galerie Philippe Valentin un ensemble - inachevé - de neuf travaux réflexifs réalisés depuis 2011. Il ne s’agit en fait que de textes (certains de cinq pages, d’autres de 150 pages, certains illustrés de propositions d’interventions plastiques), qui sont disponibles à la consultation dans la galerie, dans des classeurs recouverts de tissu rouges et bleus. Chaque classeur est consacré à une « tâche impossible » - c’est le titre générique de l’ensemble des œuvres. 

La tâche impossible signifie : un artiste individuel a-t-il les moyens / a-t-il le droit de « traiter » des situations conflictuelles sociales, écologiques, économiques, urbaines avec ses compétences intellectuelles et esthétiques ? Quelle compétence est attribuée à l’art et où se heurte-t-il aux limites qui lui sont attribuées ? L’art peut-il encore être actif s'il insiste sur son statut d’œuvre ? Ou ne peut-il plus que thématiser sa propre mégalomanie ? 

Veit Stratmann aborde ces questions dans différents lieux géographiques, par exemple dans la petite commune de St. Georgen en Forêt Noire, dans la métropole éthiopienne d’Addis Abeba, dans la ville italienne de L’Aquila, détruite par un tremblement de terre en 2009, ou dans le centre de stockage de déchets nucléaires de la commune française de Soulaine-Dhuys. Ce sont tous des espaces sociaux, des non-lieux, conçus par des hommes pour une utilité humaine - et qui ont échoué.

Veit Stratmann a répondu à chaque fois à une invitation. Sollicité pour proposer/réaliser/concevoir une intervention artistique, il s’est vu confronté sur place aux résidus d’énormes perturbations spatiales, matérielles et sociales, provoquées par des catastrophes naturelles, la politique coloniale, la dynamique économique et financière capitaliste.

Veit Stratmann se déplace dans ces espaces abandonnés – il observe, recherche, analyse - poussé par des questions et des doutes précis : ces sédiments et omissions spatio-temporels complexes peuvent-ils être activés et peuvent-ils articuler des intérêts contradictoires ? Dès qu’il les conçoit comme un matériau pour une pensée et une action esthétiques radicales, il teste les limites de l’art dans la zone sociétale qui lui est attribuée et amplifie ses paradoxes. 

Lorsqu'il a visité la ville de l’Aquila trois ans après le tremblement de terre, il a parcouru un territoire gelé et déserté des hommes, un lieu qui absorbait la signification, un territoire au sein duquel le terme habitant n’avait plus de sens. Il a conçu le projet d’un People Counter, une barrière de comptage à chacun des 70 accès au centre-ville. Mais si la municipalité avait donné son aval, c’est-à-dire une volonté politique dans un espace politique, ce compteur - sa déclaration artistique - aurait été superflu. En tant qu’artiste, il évoluait dans un espace de vie dont la cohérence était brisée - c’est précisément cette incohérence des acteurs et des espaces sociaux qu’il n'avait jusqu'alors formulée que dans des sculptures autonomes et des interventions spatiales. 

Dans les cas extrêmes, les travaux de Veit Stratmann se réduisent à de pures analyses écrites, comme dans le long texte « The Order of the Minorange » sur une vidéo de 5 minutes, commandée par le groupe Bouygues et disponible sur YouTube. Stratmann y analyse chaque plan d’image, chaque son et chaque phrase. Il en résulte une description macabre de la stratégie spatiale d’une entreprise ( « des travailleurs d'élite » doivent être formés pour devenir des soldats de la culture d’entreprise trans-individuels) au moyen de stratégies anachroniques d’images et de textes. Stratmann s’intéresse de la même manière à une vidéo du ministère français de la Justice sur le travail et la formation en prison : il identifie des ruptures de cohérence structurelle qui ressemblent à celles des espaces physiques et qui « donnent forme à des pauses sociales » (V.S.). L’analyse de Veit Stratmann se consacre au statu quo figé, dans lequel même un art autonome ne peut être qu’obsolète. 


Angelika Stepken

Under the succinct title "Text/Image", Veit Stratmann presents an unfinished series of nine reflective works created since 2011. They are indeed only texts (some 5, others 150 pages long, some illustrated with sculptural project proposals), which are made available for perusal in the gallery in red and blue fabric-covered folders. Each folder is dedicated to one "impossible task" - the overall title of body of work.

The impossible task means: can / may an individual artist with his intellectual and aesthetic competences really "work on" social, ecological, economic, urban conflict situations? What competence is attributed to art and where does it reach the limits attributed to it? Can art still activate if it insists on its status as a stand-alone piece of work? Or can it only thematise its own megalomania?

Veit Stratmann explores these questions in different geographical locations: in the small community of St. Georgen in the Black Forest, in the Ethiopian metropolis of Addis Ababa, in the Italian city of L'Aquila, destroyed by an earthquake in 2009, or in the nuclear waste repository in the French community of Soulaine-Dhuys. They are all social spaces, non-places, designed by people for human benefit - and each is a failure. In each case, Veit Stratmann accepted an invitation - as an artist, he should develop an artistic intervention - and found himself confronted on-site with the legacies of enormous spatial, material, and social disruptions, triggered by natural disasters, colonial politics, capitalist economic and financial dynamics.

Veit Stratmann moves in these abandoned spaces, observes, analyses - driven by precise questions and doubts. Can these complex spatial-temporal deposits and omissions be activated and articulate contradictory interests? As soon as he considers them as material for radical aesthetic thought and action, he tests the limits of art in the aesthetic zone assigned to it and is confronted with its paradox.

When he visited the city of L'Aquila three years after the earthquake, he wandered through a frozen, deserted terrain, frozen-in-time that absorbed meaning, that no longer had any “in-habitants” but only “out-habitants”. He designed the project of a people counter, a counting barrier at all 70 entrances to the city centre. But with the necessary approval of the city administration, i.e., a political will in a political space, this counter - his artistic statement - would have become superfluous. As an artist, he moved in a living space whose coherence was broken - precisely this incoherence of actors and social spaces he had until then only formulated in autonomous sculptures and spatial interventions.

In extreme cases, Veit Stratmann's works are reduced to purely written analyses, as in the long text "The Order of the Minorange" for a 5-minute video that was apparently commissioned by the French conglomerate Bouygues SA and can be found on YouTube. Stratmann analyses every frame, every sound, and every sentence. The result is a macabre description of a corporate spatial strategy ("elite workers" are to be trained to become trans-individual corporate culture soldiers) by means of anachronistic image and text strategies. Stratmann is similarly interested in a video by the French Ministry of Justice on work and training in prison: he identifies structural breaks in coherence that resemble those in physical spaces and "give form to social breaks" (V.S.).

Veit Stratmann's analysis is dedicated to the pausing status quo, in which even autonomous art can only be obsolete.

Angelika Stepken

 
Précédent
Précédent
9 septembre

« What if? », une exposition de Olivia Bloch Lainé

Suivant
Suivant
27 janvier

« Cœur battant », une exposition d’Isabel Michel