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« D’un monde à l’autre », une exposition de Daniel Mato


  • Galerie Valentin 9 Rue Saint-Gilles Paris, IDF, 75003 France (carte)

Diluer la peinture

La peinture serait-elle soluble dans la couleur ? 

Cette question a priori dénuée de sens, l’œuvre de Daniel Mato semble la poser de tous côtés avec ses agencements flottants, presque instables parfois, ou en tout cas potentiellement mouvants, qui reposent sur une extrême économie de moyens, une science consommée de la rencontre fructueuse et une patiente pratique de l’étalement.

Étaler la peinture. Étaler sur une toile brute et sans apprêt aucun des jus très liquides et sans densité, dans la mesure où la matière est quasiment dépourvue de toute matérialité. Depuis le fond de la toile semblent alors émerger à la surface des zones chromatiques sur lesquelles repose l’ensemble du tableau, après qu’elles soient allées glisser avant de se figer dans des formes simples, tout à la fois évocatrices et jamais véritablement définies.

Même si c’est bien du geste et de la volonté de l’artiste que dépendent la mise en œuvre, la régularité géométrique ou la sinuosité fantasque de tel ou tel espace de couleur, on aurait des difficultés à qualifier ces tableaux de compositions ; on les verrait plutôt comme des conséquences du croisement, du frôlement, du flirt, du carambolage ou de la confluence. Une caractéristique qui tient précisément des qualités constitutives de cette peinture, où le peu voulu et revendiqué ouvre vers des voies presque infinies de dialogues ou de conversations, tant l’économie liquide ici à l’œuvre génère une transparence constructive. 
Car si par le jeu de la surimpression la couleur engendre elle-même de la couleur, celle que l’on a dite dénuée de poids ou de densité en acquiert finalement, ce qui contribue à lui permettre d’insuffler de la vie au tableau.

Il est en effet frappant que malgré l’extrême précision résultant d’une longue et patiente élaboration, il y a quelque chose d’une immédiateté dans cette peinture, tant l’œil peine à la percevoir comme une image stoppée ou figée. Cette immédiateté serait donc consécutive à une relative instabilité de l’ensemble, comme si l’assemblage une fois achevé avait conservé une capacité potentielle à glisser subrepticement, à naviguer dans l’espace du plan, à s’échapper des limites, à déjouer les contraintes, à couler encore… la liquidité toujours. 

Mais pourtant la peinture « tient ». Elle tient car sa légèreté et sa fragilité mêmes sont paradoxalement assumées dans la manière assurée avec laquelle sont appliquées les couleurs. Elle tient surtout car, qu’il s’agisse d’un ensemble de motifs anguleux et un peu sages ou, à l’inverse, d’un déferlement plus souple et lyrique pouvant donner la sensation d’être incontrôlé, toujours l’assemblage impose un rythme, des lignes invisibles, des éléments de tension entre les différents « caractères », qui tous participent de la constitution d’un tout et lui assurent une cohérence d’ensemble.

Avec in fine cette formidable contradiction : dans la peinture de Daniel Mato, la dilution participe activement de la construction.

Frédéric Bonnet

Né en 1983, Daniel Mato vit à Paris et est diplômé de L’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy.
Il a notamment exposé à la Galerie municipale de Créteil, à Néon à Lyon ou à la Galerie des Étables à Bordeaux. En 2017 il a été lauréat du prix de peinture Novembre à Vitry.
« D’un monde à l’autre » est sa première collaboration avec la galerie Valentin.

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